Solution au problème de septembre
2006
- Quinze chaises sont disposées régulièrement autour d'une table, chacune devant la carte d'identification d'un des quinze délégués. Cependant, les délégués ne remarquent pas les cartes d'identification avant de s'asseoir, et en fait aucun d'entre eux ne s'assoit devant la carte portant son nom. Démontrez qu'il est possible de tourner la table de sorte qu'au moins deux délégués soient assis à la bonne place.
- Donnez un exemple d'un arrangement où seulement un des délégués est à la bonne place, et aucune des rotations ne permet de placer correctement plus d'un délégué.
Notre problème de septembre était le problème numéro
6 de l'Olympiade Mathématique Canadienne de 1975.
Nous
avons reçu des solutions correctes de
Vinay Agarwala (États-Unis) |
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Xavier Hecquet (France) |
Dave Arsenault (Internet) |
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Wolfgang Kais (Allemagne) |
Pierre Bornsztein (France) |
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Normand LaLiberté (Ontario) |
Phil Carmody (Finlande) |
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Matthew Lim (États-Unis) |
K.A. Chandrashekara (Inde) |
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Juan Mir Pieras (Espagne) |
Federico Felizzi (Italie) |
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Parham Noorzad Internet) |
Philippe Fondanaiche (France) |
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Mark Pilloff (États-Unis) |
Zac Friggstad (Edmonton) |
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Mohamed Benchaib (Internet) |
Solution.
(a) Nous reproduisons ici la solution de Philippe Fondanaiche:
Quand on fait tourner la table, elle prend15 positions différentes
obtenues par des rotations successives de 24° chacune. Chaque délégué
voit ainsi défiler les 15 cartes d'identification et il y a une
position et une seule de la table pour laquelle il retrouve sa propre carte
et se trouve ainsi assis à la bonne place.
Comme il n'y a aucun délégué assis initialement
à la bonne place avant rotation de la table, il en résulte
qu'il y a au maximum 14 positions de la table pour lesquelles un délégué
au moins est à la bonne place. Comme les 15 délégués
retrouvent tous une fois et une seule leur propre carte en étant
assis à la bonne place , d'après le principe des tiroirs
ou principe de Dirichlet il y a donc une position de la table telle que
deux délégués au moins sont assis à la bonne
place.
Commentaires. Plusieurs de nos correspondants nous
ont fait remarquer que le même argument demeure valide pour n'importe
quel nombre n > 1 de délégués.
Matthew Lim nous rappelle que la situation décrite dans le problème
n'est pas si surprenante: Si les délégués s'assoient
au hasard, la probabilité pour qu'aucun d'entre eux ne soit à
la bonne place est légèrement supérieure à
1/3, tel qu'expliqué en particulier dans l'article de Mathworld
sur les dérangements au http://mathworld.wolfram.com/Derangement.html.
Par contre, personne n'a pu nous expliquer pourquoi les délégués
ont décidé de faire tourner la table plutôt que de
tout simplement changer de place
(b) La solution la plus populaire est de placer les délégués
dans un ordre opposé à celui de leurs cartes. Nous démontrons
la validité de cette solution de deux façons, après
quoi nous verrons ce qui se passe si il y a n délégués
plutôt que 15.
La façon géométrique.
Imaginons que la table est un ``pendécagone'', c'est-à-dire
un polygone régulier, avec quinze sommets. Les symétries
des polygones sont bien connues; celles du pendécagone consistent
en quinze rotations, et quinze réflections par rapport à
un axe qui passe par le centre et un sommet du polygone. Chaque réflection
fixe un seul sommet, et lorsqu'on compose une rotation avec une réflection,
on obtient une autre réflection. En y pensant bien, c'est
exactement ce qui se passe lorsqu'on place les délégués
dans l'ordre inverse de leurs cartes d'identification:
Pour chaque rotation de la table, le positionnement des délégués
correspond à une réflection par rapport à leurs cartes.
Cette réflection a un seul sommet fixe, c'est-à-dire un seul
délégué placé devant sa propre carte.
La façon algébrique.
Notons cycliquement 0, 1, ..., 14 les positions autour de la table. Les
rotations de la tables correspondent à des ``addition modulo 15''
où a + b (mod 15) signifie le reste de la division de a + b par
15 et de même pour les soustractions. Ainsi, si c(i) dénote
la position du délégué dont la carte d'identification
est en position i, alors une rotation de k = c(i) - i (mod 15) lui rend
sa carte. La permutation qui place les délégués dans
un ordre opposé à celui de leurs cartes est c(i) = 15 - i
(mod 15). La rotation de k positions ne rend sa carte qu'à un seul
délégué si l'équation i + k = c(i) = 15 - i
(mod 15) n'a qu'une solution. Cette équation se réduit à
2i = 15 - k (mod 15).
Puisque 2i (mod 15) prend chacune des 15 valeurs possibles une seule
fois, chaque équation a une seule solution. Ainsi, chaque rotation
rend sa carte à un seul délégué.
Solutions algébriques alternatives.
Xavier Hecquet place plutôt le délégué i en
position 2i (mod 15). Comme on vient de le voir, cet arrangement évite
les empilements de délégués, et l'équation
i + k = c(i) = 2i (mod 15) devient i = 15 - k (mod 15), qui a clairement
une seule solution pour chaque valeur de k. Mir note que la solution c(i)
= 8i (mod 15) est une troisième possibilité: Pour qu'une
solution de la forme c(i) = mi soit valide, il faut que m soit relativement
premier à 15 (pour éviter les empilements de délégués),
et que m-1 soit relativement premier à 15 (pour que l'équation
i + k = mi (mod 15) ait une seule solution quel que soit le nombre k. Les
valeurs
m = 2, 8, 14
sont les seules possibilités, 14 = -1 (mod 15) étant la
plus populaire chez nos correspondants. Qu'en est-il en général
lorsqu'il y a n délégués? Lorsque n est pair, Les
solutions de la forme c(i) = mi (mod n) où m et m-1 sont relativement
premiers à n demeurent valide, et parmi elles la plus simple c(i)
= -i (mod n). Lorsque n est impair, ces solutions sont invalides (puisqu'on
ne peut avoir m et m-1 tous deux relativement premiers à n), et
il faut s'affairer à rechercher une permutation plus générale
qui satisfait aux conditions demandées. En fait, une telle quête
est vaine tel que l'ont démontré Bornsztein et Lim:
Lorsque n est pair, il n'existe aucune permutation c des
délégués telle que pour tout k entre 0 et n-1, l'identité
i = c(i) + k (mod n) est satisfaite pour exactement une valeur de i entre
0 et n-1.
Nous reproduisons ici l'argument de Bornsztein.
On pose S = (c(0) - 0) + (c(1) - 1) + ... + (c(n-1) - (n-1)). Puisque
(c(0),...,c(n-1)) est également une permutation de (0,...,(n-1)),
on a donc
S = (c(0) + ... +c(n-1)) - (0+...+(n-1)) = 0. Or, si les c(i) - i sont une permutation de 0,...,n-1, on a
S = 0 + 1 +...+(n-1) (mod n) = n(n-1)/2 (mod n).Si n= 2r est pair, alors S = r(n-1) = -r = r ≤ 0 (mod n). Contradiction.
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