Solution au problème de décembre 2002

Complétez la phrase suivante en écrivant sur chaque ligne un nombre décimal de un ou plusieurs chiffres.

Dans cette phrase, le nombre de 0 est ___, de 1 est ___, de 2 est ___, de 3 est ___, de 4 est ___, de 5 est ___, de 6 est ___, de 7 est ___, de 8 est ___, et de 9 est ___. Cette phrase a été conçue par Raphael Robinson, qui a démontré qu'il existe exactement deux façons correctes de la compléter.

Solution au problème MP28

Nous avons reçu des solutions de Neil Chatani (Californie), Pierre Bornsztein (France), Juan Mir Pieras (Espagne), et Gordon Robinson (Colombie Britannique). Il n'y a aucune relation entre notre correspondant Robinson et Raphael M. Robinson (1911-1995) qui a composé le problème. Celui-ci était un mathématicien versatile, qui a grandement contribué à la réputation du département de mathématiques de l'Université de Berkley. En plus de ses travaux en logique, en théorie des nombres en en beaucoup d'autres domaines, il s'est toujours intéressé aux mathématiques recréatives, inventant et résolvant plusieurs problèmes de divers niveaux de difficulté. Gordon Robinson a noté que notre formulation du problème admet plusieurs interprétations. Selon notre interprétation, les deux solutions correctes sont

"Dans cette phrase, le nombre de 0 est 1, de 1 est 7, de 2 est 3, de 3 est 2, de 4 est 1, de 5 est 1, de 6 est 1, de 7 est 2, de 8 est 1 et de 9 est 1."

et

"Dans cette phrase, le nombre de 0 est 1, de 1 est 11, de 2 est 2, de 3 est 1, de 4 est 1, de 5 est 1, de 6 est 1, de 7 est 1, de 8 est 1 et de 9 est 1."

Dans cette deuxième solution on compte deux fois le chiffre 1 dans le nombre 11, plutôt que de compter le nombre 11. Si on comptait des nombres plutôt que des chiffres, on pourrait aussi admettre la solution

"Dans cette phrase, le nombre de 0 est 1, de 1 est 10, de 2 est 1, de 3 est 1, de 4 est 1, de 5 est 1, de 6 est 1, de 7 est 1, de 8 est 1 et de 9 est 1.",

où le "10" ne contribue ni au compte des "0", ni au compte des "1". Pour préciser qu'on demande un compte de chiffres plutôt que de nombres, il aurait été préférable d'écrire la phrase comme suit:

Dans cette phrase, le nombre de "0" est __, de "1" est __, de "2" est __, de "3" est __, de "4" est __, de "5" est __, de "6" est __, de "7" est __, de "8" est __ et de "9" est __.

La première solution, où toutes les inconnues sont des entiers, est la plus naturelle. On peut démontrer que c'est la seule solution de ce genre en considérant le graphe obtenu en placant une flèche de x à y si dans la phrase, le nombre de x est y.

Dans ce graphe, les chiffres avec des flèches pointant à 1 sont ceux vers lesquels aucune flèche ne pointe, et les chiffres avec des flèches pointant à 2 sont ceux vers lesquels pointe exactement une flèche. En général, il y a une flèche de x à y si y est un plus le nombre de flèches qui pointent à x. Examinons le chemin 1 -> x1 -> x2 -> ... commençant à 1. Puisqu'il y a un nombre fini de chiffres, ce chemin doit créer un cycle lorsqu'un nouvel élément xj pointe vers un élément xi déjà rencontré. En fait, la composante qui contient 1 ne contient rien d'autre que les que ce chemin et les chiffres pointant vers 1. En effet, lorsqu'on quitte le cycle en parcourant les flèches à rebours, on doit nécessairement terminer à un cul de sac, c'est à dire un chiffre pointant vers 1.

Notons qu'il y a au moins deux chiffres qui pointent vers 1: 0 et au moins un des chiffres parmi 7, 8 et 9. Ainsi, 1 pointe vers un chiffre x supérieur à 2. Tous les chiffres du chemin x -> y -> z -> ... doivent ensuite pointer vers 2, sauf 2 lui-même; on a donc x -> 2 -> 3 -> 2. Les autres chiffres de cette composante pointent tous vers 1. En fait, on peut maintenant démontrer qu'il y a une seule composante. En effet, dans chaque composante il y a exactement une flèche sortant de chaque chiffre, donc en moyenne il y a une flèche pointant vers chaque chiffre. Par conséquemment, chaque composante contient un chiffre vers lequel au plus une flèche pointe, et ce chiffre est de la composante de 1 et 2. Ainsi le graphe est connexe, et les six autres chiffres pointent vers 1. La première solution se déduit de ce graphe.

On s'arrête brièvement pour donner une version de la phrase de Robinson en chiffres romains:

Présents dans cette phrase, on compte IX fois "I", I fois "V", II fois "X", I fois "L", I fois "C", I fois "D" et I fois "M".

Entre autres, ceci démontre que le nombre de façons de compléter la phrase de Robinson dépend du système de numération utilisé. La deuxième solution, comptant vingt et un chiffres, fonctionne seulement en base 10. Son existence pose cependant un problème: Existe-t-il d'autres solutions comportant plus de chiffres? L'intuition dit qu'une solution ne peut pas compter trop de chiffres, puisqu'en regroupant ces chiffres pour remplir un blanc, on forme de plus gros chiffres que la solution devrait en compter au départ. Formellement, si N dénote le nombre de chiffres dans une solution, alors

où k = N (mod 10) si N (mod 10) 0, et k = 10 si N (mod 10) = 0. Cette identité est fausse déjà pour N = 22, donc toute solution compte au plus vingt et un chiffres. Dans notre page anglaise, Gordon Robinson démontre que la deuxième solution est en fait la seule solution à vingt et un chiffres.

Problèmes et solutions précédents
 
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