Les dés d'Efron sont disposés devant vous: le dé B a le nombre 3 sur toutes ses faces, le dé C a le nombre 6 sur deux faces et 2 sur quatre faces, le dé D a le nombre 5 sur trois faces et 1 sur trois faces. Le jeu se joue à deux personnes. La première choisit un des quatre dés, et son adversaire en choisit un parmi les trois qui restent. Puis les joueurs jettent leurs dés, et celui qui obtient le plus grand nombre gagne. Courtoisement, votre adversaire vous invite à choisir en premier. Que devriez-vous faire?
Solution:
Plusieurs personnes ont envoyé leurs solutions: Cédric Boudal, Xing Chiu de l'école Lord Lansdowne à Toronto, Jeffrey Hansen de Régina, Christian Ketelsen de Washington State University, Normand Laliberté d'Ontario Juan Mir Pieras d'Espagne, et Alexander Potapenko de Russie. Xing Chiu est en sixième année, et n'a eu besoin que de son bon sens pour voir que chaque dé est désavantagé par rapport à un des autres dés: Contre le dé A, le dé D a déjà 50% des chances de gagner automatiquement en roulant un 5, et peut aussi gagner en roulant un 1 si le dé A roule un zéro, ce qui lui donne plus de 50% des chances de gagner. De même, le dé C a 50% des chances de gagner automatiquement contre le dé D parce que ce dernier roule un 1, et peut aussi gagner en roulant un 6 contre un 5, ce qui donne au dé C plus de 50% des chances de gagner contre le dé D. Par contre, le dé C est clairement désavantagé face au dé B, et le dé B est clairement désavantagé face au dé A. Ça complète le cycle: aucun des dés n'est un bon premier choix. Alexander Potapenko a calculé les probabilités de victoire du second dé dans chacun de ces cas. Il conclue que le deuxième joueur a deux chances sur trois de gagner dans chacun des cas. Par exemple, dans le premier cas, le dé D roule un 5 avec probabilité 1/2, à laquelle on ajoute (1/2)*(1/3) = 1/6, soit la probabilité d'obtenir un 1 sur le dé D et un 0 sur le dé A. Un argument similaire fonctionne dans chacun des cas.
Jeffrey Hansen, Norman Laliberté, et Juan Mir Pieras ont dressé
un tableau des probabilités de victoire pour chaque paire de dés:
Par contre tout le monde n'a pas réalisé qu'on n'était pas tenu d'accepter l'invitation à choisir en premier (relisez la question, et voyez ce que vous en pensez). De toutes façons, il est possible que l'adversaire refuse également de choisir en premier, et que vous ayez besoin de tirer à pile ou face pour trancher la question. Maintenant, si on est forcé de choisir en premier, est-ce qu'il y a un choix meilleur que les autres? Si l'adversaire connait bien la stratégie, il choisira un dé qui nous donne deux chances sur trois de perdre, donc il n'y a rien à faire. Notre seule chance est d'avoir un adversaire qui ne sait pas jouer, et qui choisit au hasard.
Selon cette interprétation, certaines personnes ont
calculé l'espérance de la valeur obtenue sur chaque dé, soit
respectivement 3 pour le dé B, 6*(1/3) + 2*(2/3) = 10/3 pour le dé C et 5*(1/2) + 1*(1/2) = 3 pour le dé D. Pour répondre à cette question, supposons qu'on modifie les dés d'Efron en ajoutant 1000 à chaque valeur plus grande ou égale a trois; on obtient les configurations suivantes: le dé B a le nombre 1003 sur toutes ses faces, le dé C a le nombre 1006 sur deux faces et 2 sur quatre faces, le dé D a le nombre 1005 sur trois faces et 1 sur trois faces. Puisque le rang des valeurs des faces demeure le même, les probabilités de gain sont toujours celles calculées dans la table ci-haut. Par contre, le dé B maintenant a la plus haute espérance, suivi dans l'ordre des dés A, D et C. Par conséquent, le dé qui a la plus haute espérance n'est pas nécessairement le meilleur choix. (La situation serait différente si le joueur gagnant recevait un montant d'argent correspondant à la valeur obtenue sur son dé.) Ainsi, lorsqu'on doit choisir en premier et l'adversaire choisit au hasard, c'est la moyenne des probabilités de gain qui détermine le meilleur dé. Le dé C a une moyenne de 56/108, ce qui est à peine plus que 50%, mais néammoins le meilleur choix possible. Ensuite il ne reste plus qu'à espérer, comme dit Mir, que l'adversaire ne sait pas ce qu'il fait.
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