- centrale des maths (CDM):
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Je tiens d’abord à vous remercier d’avoir bien voulu répondre à nos questions.
Pour commencer, pourriez-vous nous décrire votre employeur et nous donner votre titre et votre description d’emploi?
- Veselin :
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Je suis professeur au Département des mathématiques, à la Simon Fraser University. Mes fonctions sont l’enseignement, la recherche et la promotion des mathématiques.
- CDM:
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Donnez-nous des détails sur vos antécédents, y compris votre formation universitaire.
- Veselin:
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Je suis né dans l’ancienne Yougoslavie et j’ai obtenu un baccalauréat en sciences avec spécialisation en mathématiques à l’Université de Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine et une maîtrise en sciences avec spécialisation en mathématiques à l’Université de Zagreb, en Croatie. Entre 1978 et 1992, j’ai enseigné les mathématiques dans une petite université dans la partie nord-ouest de Bosnie-Herzégovine. Au début de la guerre de Bosnie-Herzégovine, au mois d’avril 1992, ma femme et moi avons décidé de quitter le pays. Nos fils étaient âgés de quatre et de deux ans à l’époque. Nous ne pouvions imaginer leur faire subir ce qui allait devenir une terrible guerre. Grâce au parrainage de mon frère et de sa femme, ma famille est arrivée au Canada au mois d’octobre 1992. Nous y étions : avec deux jeunes enfants, sans le sou et ne connaissant pas la langue, mais nous étions heureux d’avoir laissé derrière nous la peur que fait vivre la guerre aux gens ordinaires.
Mon frère était propriétaire d’un petit restaurant dans le centre-ville de Vancouver et m’a offert un emploi. Puisque c’était la seule option dans les circonstances, j’ai accepté d’emblée l’occasion de travailler et de soutenir ma famille. Pendant les trois années qui ont suivi, j’ai payé mes droits de nouvel-arrivant en cuisinant des plats italiens six jours par semaine, dix heures ou plus par jour.
Entre 1995 et 1999, je me suis inscrit au programme de doctorat au Département des mathématiques de la SFU.
Depuis 1999, j’ai été chercheur postdoctoral à la UBC, instructeur en mathématiques dans plusieurs collèges de la Colombie-Britannique et membre du corps enseignant au Département des mathématiques à la SFU.
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- CDM:
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Vous avez dit qu’à part l’enseignement, vous faites de la recherche et de la promotion des mathématiques. Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet?
- Veslin:
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La plupart de mes projets de recherche se rapportent à la théorie de Ramsey et au domaine de l’enseignement des mathématiques. J’ai été auteur et coauteur d’articles en collaboration avec de nombreuses équipes d’enseignants. Ces articles étaient principalement fondés sur mes propres pratiques d’enseignement.
Au milieu des années 2000, j’ai créé quatre films animés portant sur les aventures de Math Girl. Dans ses habillements civils, Math Girl est une étudiante ordinaire, une fille intelligente qui porte des lunettes. Lorsqu’elle adopte les superpuissances de son alter ego, Math Girl, grâce à sa maîtrise des mathématiques, elle devient une superhéroïne.
Depuis plusieurs années déjà (de 2010 à 2016), je suis corédacteur de huit récits au sujet de Small Number, garçon autochtone qui voit et découvre partout les mathématiques. J’ai réalisé 30 films animés inspirés de ces récits. Dans 22 de ces films, la narration était dans des langues des Premières nations.
- CDM:
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Je sais que votre enseignement a été reconnu par votre université et par d’autres organismes. Quels prix avez-vous reçus?
- Veslin:
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J’ai été lauréat du Prix national 3M d’excellence en enseignement en 2015; du prix B.C. Sugar Achievement Award en 2014; du Prix d’excellence en enseignement de la SMC en 2012; du Prix d’excellence en éducation du PIMS en 2011; du Prix d’excellence en enseignement (au niveau de l’établissement) de la Simon Fraser University en 2007; du Prix d’excellence en enseignement de la Faculté des sciences (au niveau de la faculté) de la Simon Fraser University en 2005 et du Prix d’excellence en enseignement de la Faculté des sciences (Prix étudiant de deuxième cycle comme adjoint à l’enseignement) de la Simon Fraser University, en 1997.
- CDM:
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Pourquoi avez-vous décidé d’étudier les mathématiques?
- Veslin:
- Depuis que je peux me souvenir, l’apprentissage et l’exécution des mathématiques me venaient facilement.
Au secondaire, j’avais de très bonnes notes dans tous les sujets, du latin à la physique. Ma mère a tenté de me convaincre de devenir médecin, mais je ne pouvais pas voir le sang. Mon père était d’avis que je ferais un excellent ingénieur, mais je n’aimais pas du tout les dessins techniques, qui étaient tous dessinés à la main à l’époque. J’ai suivi mon cœur et décidé d’étudier les mathématiques.
J’ai enseigné des cours de mathématiques de tous les niveaux au premier cycle à l’université, de la préparation au calcul à un cours sur quelques-uns des sujets avancés liés à la théorie de Ramsey.
Je pense que la meilleure partie de mon travail d’instructeur en mathématiques à l’université est le privilège de toujours m’entourer de jeunes gens et d’être en position de contribuer à la qualité de leur vie, aujourd’hui et demain. Dans mes rapports avec les étudiants, je m’efforce de trouver l’équilibre entre le respect de leur personnalité, mon obligation de leur dire clairement qu’il leur incombe d’accomplir tout le travail requis pour réussir le cours et le besoin de leur inculquer tout ce que j’ai pour les aider à réaliser leurs objectifs d’étudiants.
Au cours d’une visite à une école à Kamloops, en Colombie-Britannique, au mois d’avril 2014, un élève de troisième année m’a demandé à quoi ressemblerait le monde sans mathématiques. Je lui ai dit que je ne pouvais pas savoir ce qui se passerait dans le monde entier, mais que mon monde serait un endroit ennuyant sans les défis, l’excitation et les gens que les mathématiques apportent à ma vie. Ce que je n’ai pas dit à ce philosophe né, c’était que selon moi les mathématiques, qu’il s’agisse de compter sur les doigts ou de s’intéresser aux formes les plus abstraites du domaine, sont une façon humaine de traiter avec le monde réel, tant au niveau individuel qu’au niveau de l’humanité dans son ensemble. Selon moi, les mathématiciens au fil des siècles ont tenté de comprendre et de décrire les volets particuliers de la réalité pour le bien de l’ensemble de l’humanité. Par conséquent, les mathématiques pour moi, en tant qu’expérience cumulative et processus continu, sont un domaine essentiellement utile.
Je ne crois pas que les mathématiques soient « amusantes ». En fait, après avoir été un mathématicien praticien pendant près de 40 ans, je pense que les mathématiques sont difficiles pour la plupart des gens, y compris la majorité des mathématiciens.
Au cours de mes activités de promotion, j’essaye de démontrer aux membres de l’auditoire qu’ils font de la mathématique tout le temps, que les mathématiques les entourent, qu’ils peuvent toucher aux mathématiques, en faire de leurs propres mains et que l’apprentissage et l’exécution des mathématiques peuvent engendrer la fierté, le bonheur et la joie.
- CDM:
Comment meublez-vous vos journées quand vous ne faites pas de mathématiques?
- Veslin:
J’ai fait 17 marathons complets.